Chapitre 11
Naia
Après avoir prêté la larme d’eau à Dylan afin qu’il avance dans ses recherches, je retournais à mes tâches quotidiennes. Je devais laver les affaires de l’équipage. Il y avait une petite salle servant à cela dans les cales et je me dirigeais vers celle-ci, les bras emplis de vêtements, lorsque Morgan m’arrêta.
- Hey Naia, besoin d’aide, me dit ce dernier.
- Non merci, je vais me débrouiller, je répondis.
- En fait, j’ai une question à te poser ?
- Oui, vas-y.
Une fois que j’eus déposé mon fardeau, je me tournai vers lui. Et je n’aimais pas beaucoup la lueur que je voyais dans ses yeux.
- Comment as-tu fait pour guérir tout le monde sur l’île des cygnes ? me demanda-t-il.
- Je ne comprends pas, je fais.
- Tu étais la seule qui n’était pas affecté par le mal qui nous a tous pris. Tu étais la seule à avoir l’air bien lorsqu’on a eu du mal à respirer. Comment as-tu fait ?
- Je t’ai déjà dit que j’avais été affecté. En même temps que toi, c’est pour ça que tu n’as rien vu, je répliquai.
- Mouais, et comment tu expliques le fait que le capitaine ou Ondine et les autres ont commencé à aller bien au moment où tu es arrivé vers eux ? insista le jeune homme.
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
Je le savais. J’avais vu qu’il avait des soupçons. Il n’était pas dupe. Mais j’aurais préféré. Cela aurait été bien plus facile s’il l’avait été. Comment j’allais sortir de ce pétrin ? Aucune idée.
- Au contraire, je pense que tu vois très bien de quoi je parle et que tu refuses de me le dire. Je comprends que tu es des raisons de cacher ce que tu caches, mais ne me prends pas pour un idiot, Naia, déclara-t-il avec fermeté. Je sais très bien ce que j’ai vu, et tu as le droit de garder ton secret, mais s’il te plait, ne m’insulte pas.
- Désolée, je répondis d’une petite voix. Tu dois comprendre que je me suis cachée toute ma vie, c’est dur pour moi de faire confiance à quelqu’un.
- Je comprends, mais tu peux compter sur moi. Je ne dirais rien.
- Pas même à Dylan ? fis-je.
- Non, même pas à lui. Ton secret est en sécurité avec moi.
- Merci.
Puis il partit de son côté, me laissant le loisir de nettoyer la pile d’habits toute seule. Ah, cette journée commençait bien !
Chapitre 12
Naia
- Qu’est-on censé trouver cette fois-ci ? je demandai au capitaine.
- Je ne sais pas, mais je pense que ça va être dangereux. La vallée va nous tester encore une fois, pour voir si on est digne d’accéder au trésor.
- Et quel est ce fameux trésor ?
J’étais intriguée par ce dernier. J’en entendais parler de partout mais je n’avais aucune idée de ce que nous cherchions. Je ne savais pas que c’était un si grand secret.
- Je ne te fais pas assez confiance pour te le dire, me répondit Dylan.
- Ah tiens donc ! Mais je te rassure, je n’ai pas confiance en toi non plus.
- Le contraire m’aurait étonné.
Le capitaine laissa échapper un petit rire. J’avais l’impression qu’il aimait bien nos joutes verbales, que ça l’amusait. Et même, qu’il ne voulait pas que ça se termine.
- Tu vas me laisser vous accompagner cette fois ? je le questionnai sérieusement.
- Oui, de toute façon si je dis non, tu vas quand même trouver un moyen de nous rejoindre, n’est-ce pas ?
- Tout à fait. Tu commences à me connaitre un peu.
Ce qui, franchement, commencer à me faire peur. Plus il apprenait qui j’étais, plus il allait comprendre mes agissements et plus ma vision de nous deux ensemble allait se réaliser. Et je ne le souhaitais pas.
- Juste un peu. Mais trêve de plaisanterie, tu nous as prouvé ta valeur donc oui, tu as gagné l’immense plaisir de nous accompagner.
- L’immense plaisir ? Fait attention, bientôt ton ego va nous faire chavirer et on va tous se retrouver par-dessus bord, rigolai-je.
- Oh non, tu m’as percé à jour. Ça a toujours été mon but, tu sais !
Soudain, nous nous mîmes à rire à n’en plus pouvoir. Ça faisait tellement de bien de pouvoir se lâcher. Je crois même que c’était l’une des rares fois où je pus me laisser aller et ne pas m’inquiéter de ce qu’il pourrait m’arriver. Je me sentais libre et puissante. Et une petite voix dans ma tête me disait que mon voisin avait quelque chose à voir avec ce que je ressentais. Cela me stoppa net. J’arrêtai de rigoler et redevins sérieuse. Je n’avais pas besoin d’hommes dans ma vie pour être heureuse ou pour me faire rire. J’étais indépendante. Je l’avais été toute ma vie.
- Tout va bien ? j’entendis le capitaine à côté de moi.
- Oui, je dois juste… je viens de me rappeler que je devais faire quelque chose, j’éludai.
- Ok, fit-il d’une voix bizarre. On devrait accoster dans la nuit, tiens-toi prête.
- Je le serais.
Et je partis en direction de la cabine qu’Ondine et moi partagions. Je voulais mettre de la distance entre Dylan et moi, entre ces sentiments que je ne tenais pas à ressentir et mon corps. Je devais tout simplement m’éloigner de tout ça.
Le but était de m’échapper de SON emprise. Et j’y avais réussi en montant à bord de ce navire. Peut-être était-il temps pour moi de me séparer de l’équipage. J’adorais Ondine et Morgan, mais je devais avant tout penser à moi, à ma sécurité. Bon ok, je devais bien avouer qu’être sur un bateau, entouré de pirates pour me protéger avait un gros avantage. Seulement, je devenais trop proche d’eux. Morgan avait déjà deviné que je n’étais pas ordinaire. Combien de temps ça allait prendre au reste de l’équipage pour s’en rendre compte ?
C’était décidé. Une fois sur terre, j’allais prendre mon propre chemin. Bien que, je devais l’admettre, l’attrait du trésor mystérieux était fort. C’était la première fois que je m’amusais autant, que je partais à l’aventure. Et j’aimais bien ça. Par Poséidon, qu’est-ce que j’allais faire ?
Chapitre 13
Dylan
Naia agissait bizarrement depuis notre dernière conversation. Elle s’était renfermée et n’osait parler à personne, pas même à Ondine. Est-ce que j’avais dit ou fait quelque chose pour la contrarier ? Croyez-moi, cette fois-ci, c’était involontaire de ma part.
La nuit venait de tomber. Les étoiles étaient hautes dans le ciel, éclairant le passage. Nous avions mis pied à terre et suivant la boussole et la carte, nous slalomions entre des immenses rochers. Je n’en voyais pas le bout et je commençais sérieusement à être épuisé. Est-ce moi ou la vallée qui me rendait faible ? Je ne le saurais jamais. Nous marchions et marchions durant des heures, sans jamais nous arrêter. Heureusement, cette fois nous avions amené des provisions. Nous avions chacun de l’eau et un peu de nourritures, et bien sûr, nous étions tous équipés de sabre, ainsi que d’un pistolet pour ma part. Je ne voulais rien laisser au hasard pour cette quête.
Tout à coup, un vent glacial se leva. Il souffla de plus en plus fort, nous emportant dans son élan. J’échappai de peu de m’éclater contre une pierre. Nous devions à la fois lutter contre le froid et contre les rafales qui nous balayer de part et d’autre du chemin.
- Courez, je criai à la cantonade. Nous devons échapper au vent !
Nous étions une dizaine. Chacun détalla de son côté suite à mes mots. Je les regardai partir, me demandant si je les reverrai un jour. Bon, ce n’était pas comme s’ils ne savaient plus où était posté le navire. Ils retrouveraient la route, j’en étais sûr. En tout cas, j’essayais de me convaincre qu’ils y arriveraient.
- Il faut partir, me dit Naia, en me tirant par la manche.
Je n’avais pas remarqué que j’étais frigorifié avant qu’elle ne me ramène à la réalité. Dès lors, nous nous mîmes à courir aussi vite que nos jambes nous le permettaient. Nous continuâmes notre course sur des kilomètres avant de nous arrêter, essoufflés mais ayant retrouvé une certaine chaleur.
- Il nous faudrait du feu, et un endroit où dormir, déclara Naia, le souffle coupé par l’effort.
- Non, il faut qu’on regagne le bateau pour y retrouver les autres, je contrai.
- Avec cette luminosité, on n’y arrivera jamais. Il faut mieux se reposer et aller les chercher demain, à la lumière du jour.
- Et si le vent revient ?
- D’où l’abri et le feu, me fit-elle remarquer.
Ouais, ok, elle n’avait pas tort.
- Bon commençons à chercher et à ramasser du bois, me dit-elle d’une voix ferme.
J’acquiesçai et me mis au travail. Nous trouvâmes facilement du bois, vu que le sol en était jonché mais cela nous prit du temps avant de trouver une grotte assez grande pour deux. Quand nous la dégotâmes, je pus libérer un soupir de soulagement. J’étais épuisé et je commençais à avoir mal de partout. Le seul problème était que j’allais partager une cave avec Naia. Seul le diable savait ce qu’il pourrait advenir de cette situation. Je m’attendais au pire, croyez-moi.
Chapitre 14
Naia
Pourquoi j’étais restée avec le capitaine ? Je ne le savais bigrement pas. Apparemment, mon cœur et mon cerveau avait des idées divergentes, comme s’ils n’arrivaient pas à se mettre d’accord. Et cela se résolvait par ce genre de situation : le capitaine et moi dans une grotte, à essayer de faire du feu.
Dylan avait pris de la poudre de son pistolet et essayait désespérément d’allumer une flamme à l’aide de ce dernier. J’avais déposé les bouts de bois que l’on avait trouvé tout autour, pour faire un beau feu de camp. Il manquait juste l’élément principal.
Quelques minutes plus tard, Dylan arriva enfin à attiser le bucher, et nous pûmes nous blottir contre celui-ci. La grotte n’était pas grande mais elle nous permettait d’être à l’abri du vent, même si j’étais encore frigorifiée. La vallée du soleil portait mal son nom. J’étais obligée de me frotter les bras tellement j’avais froid.
- Tu sais, commença le jeune homme à côté de moi, si on se blottissait l’un contre l’autre, on aurait plus chaud.
- Non merci, je répondis.
- Tant pis, tu rates une occasion en or. Non mais plus sérieusement, tu sais que j’ai raison. Pourquoi tu refuses si catégoriquement mon idée ?
- Grrr, très bien mais bas les pattes compris ?
- Oui oui, je serais sage comme une image.
- Je ne sais pas pourquoi mais je ne te crois pas, fis-je en me déplaçant pour me coller contre lui.
Une sensation bizarre s’empara de moi. Nous étions peau contre peau et soudain, j’eus le souffle coupé. Je ne comprenais pas bien ce que je ressentais. Cela n’avait aucun sens.
- Promis, je ne te ferais rien.
- De toute façon si tu tentes quelque chose, je te coupe la main.
A ces mots, il rigola. Je préférais quand il était comme ça, quand il se lâchait et pouvait être lui-même. C’était rafraichissant.
- C’est bizarre de te voir comme ça, lui avouai-je.
- Comment ça ?
- Tu fais moins ton chef, tu es plus toi-même. Ça ne t’arrive pas souvent de te dévoiler, je me trompe ?
- Non, soupira-t-il. En tant que pirate, il faut se méfier de tout, je n’ai pas le temps de me concentrer sur moi-même. Je pense avant tout à mon équipage.
- C’est honorable. Depuis combien de temps es-tu capitaine ? je lui demandai, un peu curieuse.
- Ça va bientôt faire cinq ans. J’ai repris le bateau de mon père après sa mort, admit-il. Et toi ?
- Quoi moi ?
- Tu n’as pas de famille ?
- Je n’ai jamais connu mon père, même si je sais qui il est. Je sais qu’il m’a aidé à faire certaine chose, qu’une partie de moi vient de lui. Quant à ma mère, elle est morte quand j’étais petite. Depuis, je survis comme je peux.
- C’est une chose que je comprends très bien. Mon père était un salaud, il battait ma mère. Donc elle est partie et je ne l’ai plus jamais revu.
- Attend quoi ? Elle t’a laissé seul avec lui ? fis-je atterré.
Il hocha la tête. Dans ses yeux je pouvais voir qu’il taisait une partie de l’histoire. La partie la plus horrible. Car je le sentais. Lui aussi avait été maltraité par son père.
- Tu es mieux sans eux. Ils ne te méritaient pas. Je n’arrive pas à croire que des parents puissent faire une chose pareille. C’est… Je n’ai pas les mots, déclarai-je, la colère bouillonnant en moi.
- C’est cruel, abominable, monstrueux. C’est toutes ses choses et bien plus.
Je ne pouvais qu’être d’accord avec lui. Apprendre ce qu’il avait enduré pendant son enfance me fit ouvrir les yeux. Je comprenais mieux son ressentiment envers moi lorsque j’avais débarqué sur son navire. Pourquoi il m’avait traité ainsi depuis le début. Je le comprenais mieux lui. Le vrai Dylan.
- Il faut croire qu’on n’avait pas des parents modèles. Ton père t’a abandonné, pour moi c’était ma mère. Il faut croire qu’on a plus de points en commun que ce qu’on pensait.
- Au moins, tu as échappé à ton père, murmurai-je.
- Oui, mais cela a pris du temps.
Quelque chose clochait dans ses paroles. C’est comme s’il ne me disait pas tout. Mais bon, moi aussi j’avais mes propres secrets, je devais donc respecter son choix. Nous n’étions même pas ami et il s’était beaucoup confié à moi en me racontant sa terrible enfance. Soudain, je n’eus plus envie de parler. J’étais éreintée et je ne voulais plus qu’une seule chose : dormir. Je m’allongeai, Dylan faisant pareil à côté de moi. Mes paupières se fermèrent toute seules et l’instant d’après, je sombrais dans un sommeil profond.
Chapitre 15
Dylan
Encore assommé de fatigue, j’entrouvris les yeux avec difficulté. La lumière m’aveugla mais je m’y habituai peu à peu. Puis, je pus ouvrir entièrement mes paupières. Et la scène qui se jouait devant moi m’étonna. J’étais allongé à même le sol dans une grotte, tenant Naia dans mes bras. Elle était blottie contre moi, reposant sa tête sur ma poitrine. Elle dormait profondément.
Comment cela avait-il pu arriver ? Ok, j’étais fatigué hier soir, même encore maintenant. Mais sérieusement, on se comportait comme un vieux couple qui se connaissait et vivait ensemble depuis des années. Et ce n’était clairement pas le cas avec Naia. C’était limite si on se supportait. Exception faite d’hier soir où on avait super bien parlé. Je m’étais sentie en confiance et lui avait dit la vérité sur mes parents. Peu de gens étaient au courant, même dans mon équipage.
Je voulus enlever mon bras, qui était resté coincés sous le corps de la jeune fille, mais je ne voulais pas la réveiller. J’avais le choix entre la réveiller pour pouvoir bouger et du coup, entrer dans une situation inconfortable ou ne pas bouger et faire semblant de dormir jusqu’au moment où elle s’éveillera enfin et se lèvera, libérant mon bras par la même occasion. Je penchais plutôt pour la seconde option vue que je pouvais échapper à un moment gênant.
A vrai dire je n’eus pas à attendre longtemps avant qu’elle ne se réveille. Je ne pus voir sa réaction mais je sentis qu’elle se figeait. Pourquoi ? Aucune idée. Elle devait surement se sentir mal à l’aise comme je l’avais été.
- C’est pas possible, se murmura-t-elle. Hors de question que ça arrive. Non jamais.
Je ne comprenais rien à ce qu’elle disait. Qu’est ce qui devait arriver ? Pourquoi était-elle catégorique sur le fait que ça n’arrive jamais ? Je décidais de garder les yeux fermés pour voir ce qu’elle allait faire ensuite.
Elle se leva d’un coup, libérant le poids sur mon bras. Je l’entendis faire les cent pas, réfléchissant et marmonnant dans sa barbe. Elle réfléchissait intensément à ce qu’elle allait faire, mais je ne comprenais pas pourquoi. Cependant, j’étais content qu’elle ne remarque pas ma supercherie.
- Bon ma vieille, y a que deux solutions possibles, se parla-t-elle, rester avec Dylan en prenant le risque qu’il découvre mon secret et que ma vision de lui et moi ensemble se réalise ou alors partir, perdant la protection des pirates et sachant qu’IL peut me trouver.
Quoi ? Il y avait trop d’informations tout à coup. Comment ça son secret ? Elle et moi ensemble ? Qui était-ce IL ? Voulait-elle vraiment partir ? J’étais piqué au vif. Je voulais découvrir ce qu’elle avait voulu dire par là. A commencer par : Comment ça elle et moi en couple ? Avait-elle des sentiments pour moi ? Ok, j’étais beau gosse, mais elle ne m’avait pas semblé vraiment intéressée par moi. C’était plutôt le contraire. A moins qu’elle ait craint que je le remarque et est fait semblant de ne pas m’apprécier. Après tout, elle m’avait prêté sa précieuse larme d’eau, et m’avait aidé hier soir. Il allait falloir que je me penche dessus. Ah les femmes, elles nous embrouillent le cerveau ! De vraies magiciennes !
Crédit Photos : Pinterest
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