Chapitre 36
Dylan
Naia avait réussi ! Elle avait découvert notre nouvelle destination. Nous touchions enfin au but. Je savais que le bout du monde nous attendait à la fin, mais j'avais été surpris lorsqu'elle m'avait annoncé que l'île que nous cherchions n'était autre que l'île des dieux. A vrai dire, cela faisait sens, mais ça n'expliquait pas tout. Et j'imaginais qu'il fallait nous attendre à tout. Nous allions naviguer sur un territoire inconnu, où beaucoup n'était pas revenu vivant. Puis, comme pour les îles précédentes, nous allions être testés.
De toute façon, je n'étais pas totalement remis. Donc nous naviguions tranquillement, le temps pour mes hommes et moi-même de nous préparer moralement et physiquement. Nous savions tous que ce qui nous attendait allait être différent, allait nous changer pour toujours.
Mais bon, pour l'instant, je prenais les jours un par un. Mon dos ne me faisait plus mal grâce à Kevin et ses onguents miraculeux, mais ma côte était toujours fêlée. J'arrivais tout de même à bouger sans qu'elle ne me fasse trop mal. C'était déjà un progrès ! Dès que Kevin m'avait annoncé que je n'étais plus obligé de garder le lit, j'avais sauté au plafond. Enfin, j'avais essayé de sauter, mais ma côte s'était rappelée à mon bon souvenir et je m'étais levé avec l'aide du guérisseur. Il m'avait fait marcher tous les jours. J'avais eu l'impression d'être un enfant qui réapprend à se mouvoir. Je m'étais senti si nul. Heureusement, j'avais mes amis qui me soutenaient et maintenant, j'arrivais à déambuler comme avant.
Même Ondine était en meilleur état que moi. Sa plaie avait mis du temps à se refermer mais maintenant, elle pouvait bouger son bras normalement. Elle avait juste écopé d'une cicatrice de combattante, ce qui lui allait bien. Et puis, elle l'arborait fièrement.
Quant à Naia, elle était devenue experte en navigation, guidant ma seconde à travers les flots afin d'atteindre au plus vite le bout du monde. Je ne savais pas ce qui se passait dans sa jolie petite tête, mais j'étais quasiment sûr qu'elle se posait des milliards de question. A commencer par : Quel était le trésor que l'on cherchait ? Et qu'est ce qui allait nous attendre au bout du monde ?
Bien que je sache la réponse pour la première, je me questionnais moi aussi quant à la réponse de la seconde. Car personne ne le savait. On avait beau imaginé ce qui pourrait nous arriver, on savait bien que notre imagination nous ferait défaut. Car derrière le bout du monde attendait un univers de magie. Encore qu'il fallait arriver jusque-là.
Peut-être n'aurais-je pas dû penser ça. Car à peine je formulais ces mots dans ma tête que le bateau heurta quelque chose.
- Qu'est-ce que c'était ? je criai à Ondine.
- Je ne sais pas, me répondit-elle.
Je me précipitais vers le bord afin de voir ce qu'il se passait. Au début, je ne vis rien, puis j'entendis un cri derrière moi. C'était Naia et elle regardait une chose assez intensément.
- Il faut partir d'ici et vite, hurla-t-elle.
Je ne comprenais pas ce qu'il se passait. De quoi avait-elle si peur ?
Il ne me fallut qu'une minute pour comprendre. De la mer surgit une tête de serpent, puis une autre et encore une autre. Le monstre surgissait des flots et devint gigantesque. Son corps était fait de roche et finissait par six horribles têtes. C'est alors que je compris deux choses. Une, nous étions arrivés au bout du monde. Et de deux, le monstre Scylla était le comité d'accueil !
Chapitre 37
Naia
S'il y avait bien quelques choses que je détestais dans ce monde, c’étaient les monstres marins. Ils étaient féroces et durs à tuer. Et j'étais impuissante face à eux, même avec ma magie. Alors oui, en voyant Scylla arrivait, j'avais hurlé de peur. Il faut me comprendre, ce monstre était horrible à regarder et semblait invincible. Mais je n'allais pas me laisser abattre.
Au contraire, je sortis mon épée de son fourreau et me mis en garde. Seulement, plus je réfléchissais, plus je me rendais compte que mon sabre ne me servirait à rien. Son corps était fait de roche et j'étais pratiquement sûre que si on coupait ne serait-ce qu'une de ses têtes, elle serait vite remplacée.
Au moment même où je me faisais cette réflexion, Morgan trancha une des têtes du monstre.
- Non, criai-je, mais il était trop tard.
Je courus en direction de Morgan et le plaquai au sol juste au moment où une autre tête poussait pour remplacer la précédente. Heureusement que Scilly n'était pas une hydre car sinon on aurait dû affronter sept horribles serpents au lieu de six.
- Il ne faut pas leur couper la tête ! hurlai-je à la cantonade.
- Mais comment on fait pour les vaincre alors ? me répondit Ondine.
- Je ne sais pas, chuchotai-je défaite.
Je devais reconnaître qu'on était dans de beaux draps. Car il n'y avait aucun moyen de détruire Scylla, entre son corps et ses têtes.
- Il doit bien y avoir un moyen de tuer ce monstre, déclara Dylan.
- Et si on le fait exploser ? dit tout à coup Morgan. Kevin et moi, on a de quoi faire des explosifs.
- Ça pourrait marcher oui, fis-je. Faites, on vous couvre, mais dépêchez-vous.
Morgan alla chercher Kevin et ils se ruèrent sur les escaliers pour aller chercher les ingrédients. Je me retournai prête à frapper, mais cela ne servait à rien. On ne pouvait indéfiniment couper les têtes du monstre. Dylan se jeta dans la mêlée pour protéger ses amis. Certains d'entre eux étaient déjà blessés ou pire morts. Il devait bien y avoir un moyen de mettre fin à tout cela. Il fallait que je réfléchisse, que j'ai un plan d'ensemble. Je reculai et allai à la barre, car l'endroit permettait d'avoir une vue du pont et de la situation. C'est alors que je remarquais une chose. Tandis que les pirates attaquaient sans relâche les serpents, je vis comme une sorte de stratégie de la part du monstre. Il protégeait une de ses têtes, qui était toujours en arrière. Cela devait être son point faible.
- C'est bon, on est prêt, hurla Morgan.
- Visez l'œil de la tête du milieu, criai-je en retour en pointant la cible du doigt.
Il leva son pouce en l'air pour me signifier qu'il avait compris. Puis, il s'approcha de Scylla, secoua ce qu'il avait dans la main et lança. Je ne pus que retenir ma respiration en attendant de voir le résultat. Puis, la bouteille que Morgan avait catapultée atteint son but et une violente déflagration retentit. Je fus projetée au sol, les flammes léchant ma peau et me brûlant. Mes oreilles commencèrent à sonner. Je me relevai avec difficulté et constatai ce qu'il venait de se passer. Tous les pirates étaient à terre, néanmoins, je pouvais dire avec certitude que le monstre ne se lèveraient plus jamais. A la place de Scylla, un énorme feu ravageait l'eau. Je vis le reste de son corps couler, et bientôt, il ne resta plus rien. Nous avions vaincu le monstre. Mais cela nous avait beaucoup coûté.
Chapitre 38
Dylan
Le navire était en feu lorsque je repris connaissance. Mais heureusement pour nous, nous étions entourés d'eau et il ne fallut pas longtemps pour éteindre les flammes. Morgan et Kevin avait fabriqué un explosif assez puissant pour tuer le monstre, mais trop puissant pour nous et le bateau. Nous avions tous reçu quelques brûlures. D'autres étaient morts soit par Scylla, soit par la bombe. Kevin allait et venait pour aider les blessés, aidé par Naia, Ondine et Morgan. Tandis que moi, je m'occupais des morts. Il y en avait beaucoup trop à mon goût. Je récitais la prière pirate puis préparais leurs funérailles. Je sais qu'ils étaient tous au courant des risques, mais un doute s'immisça soudain en moi. Avais-je raison d'aller au bout de l'aventure ? Est-ce que la mort de mes hommes en valait le coup ? Je n'en étais plus aussi sûr qu'avant.
Une fois finie avec les morts, je m'occupais de réparer un peu le navire. Il avait été bien malmené par la bête et le feu, mais ce n'était que minime. Puis, lorsque j’achevai de mettre une voile, quelques cordes et de retaper le pont, nous continuâmes notre chemin. Nous étions si près du but, nous ne pouvions pas nous arrêter là. Il fallait continuer, car sinon le sacrifice de mes hommes serait vain.
Avant de prendre le gouvernail, j'allais vérifier que mes hommes étaient prêts à continuer ce périple. Il était tous à peu près remis, les cas les plus graves étant restés à l'intérieur sous le regard attentif de Kevin.
Alors que je tenais la barre, je vis Naia au loin. Elle me regardait d'un drôle d'air, ce qui m'inquiéta plus que ce que j'aurais pensé. Voyant que je l'avais remarqué, elle s'approcha de moi.
- Tout va bien ? je lui demandai.
- Oui, oui, c'est juste que tu as perdu beaucoup d'hommes, alors...
- Alors tu te fais du souci pour moi. Sache que oui, je suis triste d'avoir perdu des amis chers mais ils ne voudraient pas que je passe mon temps à les pleurer. On est des pirates après tout et on aime l'aventure, les trésors. Ils auraient aimé que je continue mais que je pense à eux lorsque j'aurais atteint mon but.
- C'est très honorable, chuchota-t-elle. Sache que je suis là si tu as envie de parler, ou de ne pas parler.
- Merci, je lui souris.
Soudain, le bateau se mit à virer. Je sentis le gouvernail tourner dans mes mains, sans que je puisse le retenir.
- Qu'est-ce qu'il se passe encore ? fis-je, un tantinet énervé.
Naia courut sur le bord et revint avec une expression terrifiée sur le visage.
- Ça ne va pas me plaire, c'est ça ?
- Absolument pas. On fonce droit dans un maelström. Et il y a pire !
- Laisse-moi deviner. Le maelström, c'est Charybde ? devinai-je.
- Oui, acquiesça-t-elle.
- Et merde.
- C'est exactement ce que je pensais.
Et oui, après Scylla, il fallait qu'on tombe sur l'autre monstre antique : Charybde.
Chapitre 39
Dylan
Je tenais tant bien que mal le gouvernail afin d'éviter de tomber dans le tourbillon, mais mon navire ne pouvait résister l'attraction magique que le monstre exerçait. Il était entrainé dans le maelstrom et j'avais l'impression d'être impuissant face à ce phénomène. Comment est-ce qu'on pouvait vaincre ce genre de monstre ? D'habitude, on voyait les cyclones en avance et on les contournait, mais celui-ci n'avait rien de normal. Et j'étais désemparé.
- C'est le moment d'avoir une idée, n'importe quelle idée pour nous sortir d'ici ! criai-je à mes hommes.
La force d'attraction du maelstrom devint de plus en plus forte et c'était presque impossible pour moi de tenir la barre. Je résistais comme je pouvais, mais le monstre n'en démordit pas. J'avais l'impression qu'il voulait nous saper nos forces pour nous entrainer dans les profondeurs de l'eau. Je n'étais pas le seul à me démener pour que nous puissions éviter Charybde. Mes hommes tiraient sur les voiles, déchargaient les tonneaux pour nous permettre d'être plus léger. Chacun d'entre eux m'aidaient à garder le bateau hors du tourbillon, en vain. Nous étions déjà dedans et nous savions déjà tous qu'une fois pris dans les vagues, il était impossible d'en sortir. C'était une des premières leçons que l'on recevait en tant que pirates.
C'était la fin ! Nous allions tout perdre, mais au moins nous mourrions ensemble, après avoir tenté le meilleur coup qu'un pirate pouvait accomplir. Nous pouvions être fiers du chemin parcouru sur ce navire.
- Lâche la barre, me dit Naia.
- Quoi ? Comment ça ? Tu es folle !
- S'il te plaît, fais-moi confiance. Il faut aller dans le maelstrom. Tu ne vois pas que Charybde tourbillonne plus fort quand tu résistes. Alors, laisse-toi emporter par ses flots et tu verras, m'expliqua-t-elle.
- Mais on va mourir ! répliquai-je, véhément.
- On va mourir de toute façon Dylan alors lâche moi cette barre !
Elle avait raison, alors j'abandonnai le gouvernail et laissai le navire suivre le cours des vagues. Sans résistance de ma part, le bateau avança de plus en plus vite et bientôt, nous nous retrouvâmes au milieu du cyclone. L'eau nous giclait au visage, tandis que mon beau navire craquait sous la force du vent et des flots. Puis, bientôt, nous fûmes projetés par-dessus bord et le noir nous enveloppa.
Chapitre 40
Naia
Je toussai, évacuant l'eau de mes poumons. Ce n'était pas normal, je n'aurais pas dû ressentir ça. Je savais respirer sous l'eau après tout. Alors pourquoi j'avais du mal à inspirer ?
J'ouvris les yeux. J'étais sur une plage de sable blanc, toute trempée. Qu'est-ce qui c'était passé bon sang ? Il ne me fallut même pas cinq secondes pour m'en rappeler.
D'abord, il y avait eu Scylla, puis Charybde qui nous avait entrainé puis coulé dans ses flots, sous mon ordre. Je m'en rappelais très bien à présent. En revanche, ce que je ne comprenais pas, c'était où nous étions. Étions-nous morts ? Vivants ? Sur l'île des dieux ? Et d'ailleurs, où était les autres ?
Je me relevai difficilement et commençai à chercher mes amis pirates. J'étais si désorientée. Cela ne m'était jamais arrivé auparavant. J'avais toujours su où j'étais. Et ça ne me plaisait pas particulièrement. Je devais retrouver un repère, n'importe lequel.
Comme si on avait entendu mes prières, j'entendis une voix appelée mon nom au loin. Je me retournai et courus dans la direction du bruit.
- Dylan, fis-je en me jetant dans ses bras.
Il me serra fort contre son cœur et je me sentis enfin en sécurité. C'était à la fois bizarre et tout à fait normal. Je ressentis encore une fois des picotements à chaque endroit où sa peau touchait la mienne.
- Naia, est-ce que tu vas bien ? me demanda le jeune homme.
- Un peu désorientée, mais ça va, et toi ?
- J'ai un peu mal à la côte, mais sinon, tout va bien.
- Où sommes-nous ? je le questionnai.
- Aucune idée. Mais je parierais sur l'île des dieux.
- On a donc réussi ?
- Oui, en partie, et c'est grâce à toi. Il ne nous reste plus qu'à trouver où est enterré le trésor.
Des larmes coulèrent le long de mes joues. Nous avions enfin pu atteindre notre but. Ok, on n'était pas arrivé jusqu'au bout, mais j'étais tellement heureuse qu'on s'en soit sorti vivant. Pendant une seconde, j'avais cru que nous étions tous morts.
- Mais pourquoi tu pleures ? fit Dylan.
- Parce qu'on a réussi Dylan ! On a vaincu Scylla et Charybde. Tu te rends compte, dis-je en lui sautant au cou.
Il commença à rigoler et je me joignis à lui avec enthousiasme. Je sentais son rire se répercuter contre moi et pendant un instant, je fermai les yeux et profitai de ce moment. Je savais qu'il fallait retrouver les autres, mais j'avais envie de rester ici, contre lui, quelques minutes de plus.
Puis, au bout d'un moment, je me détachai de lui. Il me jeta un regard et je compris tout de suite que nous étions sur la même longueur d'onde.
- Allons retrouver nos amis et explorer cette île !
Je hochai la tête, pris la main qu'il me tendait, et nous partîmes loin de la plage, dans les entrailles de l'île.
Crédit Photos : Pinterest
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